Lorsque des brebis sont retrouvées mortes et partiellement consommées, divers animaux de la faune sauvage sont généralement pointés du doigt, souvent « au doigt mouillé » : loup, lynx, renard…
En Indre-et-Loire, c’est le blaireau qui vient d’être désigné comme coupable (Article de la Nouvelle République du 20/04/2024 : « Indre-et-Loire : des brebis dévorées vivantes par un blaireau »).
Quelles preuves pour accuser le mustélidé ? Juste quelques empreintes de l’animal relevées non loin par l’éleveur, et une « confirmation » par la Fédération des chasseurs d’Indre-et-Loire (FDC 37), qui n’apporte pas plus d’élément. Autant dire, aucune preuve !
Accuser le blaireau ne semble donc pas très sérieux. Bien qu’ayant une musculature et une mâchoire puissante, le blaireau est un animal court sur pattes et trapu (30 cm au garrot et 10 à 12 kg en moyenne). Il n’a pas la capacité de sauter et ne s’attaque pas, dans la nature, à des proies plus grosses que lui ni même de taille similaire. Difficile, donc, de croire à une attaque sur des brebis, même affaiblies, dont la taille au garrot est d’au moins 50cm pour un poids de 40/50kg !
La littérature scientifique sur le blaireau est relativement riche et nous n’y retrouvons aucune mention de prédation de brebis par le blaireau. Nous pouvons cependant citer une étude récente cherchant à évaluer le rôle des blaireaux dans la prédation des agneaux en Ecosse, réalisée à l’aide d’analyse ADN. Dans ce travail, certains éleveurs avaient attribués au blaireau la mort d’agneaux en se basant sur le type de blessures. Les analyses génétiques ont montré qu’ils avaient tort, aucune trace d’ADN de blaireau n’a été retrouvée sur ces agneaux. D’ailleurs, l’ADN de blaireaux n’a été trouvé que sur 5% des restes d’agneaux. Les scientifiques n’ont cependant trouvé aucune preuve directe de la prédation des agneaux par les blaireaux. La présence d’ADN de blaireaux peut s’expliquer par leurs passages sur les restes des agneaux morts.
Le blaireau peut, en effet, être occasionnellement charognard. Une autre étude montre que le comportement charognard du blaireau augmente avec le degré de décomposition de la charogne. Ce travail a aussi mis en évidence le fait que ce comportement charognard était moins important lorsque le blaireau avait accès à sa nourriture « habituelle ». Une longue période sèche pourrait empêcher les blaireaux de trouver de la nourriture. Mais ce n’est absolument pas le cas actuellement en Indre-et-Loire. Alors, penser qu’un blaireau ait pu attaquer et dévorer des brebis vivantes et croire qu’il est « capable de consommer une brebis entière en plusieurs nuits » relève de la pure invention !
L’explication fournie par le « spécialiste des blaireaux » de la FDC 37 n’est guère satisfaisante non plus. En effet, contrairement à ce qui est dit, les blaireautins ne sont absolument pas sevrés en avril. Ils commencent seulement à faire leurs premières sorties à l’extérieur du terrier. Petit à petit, le lait sera complété par de la nourriture régurgitée par la femelle, puis par de la nourriture trouvée aux abords du terrier. Mais en aucun cas, la blairelle n’apporte des morceaux de viande aux jeunes, comme pourrait le faire un renard ou un loup.
Finalement, pourquoi la FDC 37 a-t-elle choisie de défendre l’hypothèse la moins probable quant à la mort de ces brebis ? Est-ce par méconnaissance de la biologie du blaireau ? Ou est-ce suite à la décision du tribunal administratif d’Orléans qui a suspendu, en juin 2023, la période complémentaire de vénerie sous terre du blaireau pour la saison de chasse 2024 ? Les chasseurs chercheraient-ils, alors, tous les griefs possibles contre le blaireau, même les moins probables et les plus farfelus, pour tenter de « justifier » une pseudo-nécessité de la chasse du blaireau ?